Episode #2 - Le leadership appréciatif

Temps de lecture : 10 min

Dans un monde du travail qui cherche à articuler performance, engagement et sens, le leadership appréciatif ne propose pas un nouveau style, mais une nouvelle posture. Un autre rapport à l’autorité, au pouvoir, à la transformation. Et une manière de répondre, sans artifices, à cette question devenue centrale : « Qu’est-ce qui donne envie aux gens de s’engager pleinement ? »

Chez bymaïa, nous faisons le choix de démarches d’accompagnement qui favorisent « la mise en dialogue » des organisations, des systèmes et des personnes qui les composent afin de générer de nouvelles architectures de choix, de réinvention, de liens pour façonner d’autres réalités partagées.

Comment un leader peut-il obtenir le meilleur de son équipe ? C’est la question qui a constitué le point de départ de notre réflexion sur le leadership appréciatif.

Issu des travaux en Appreciative Inquiry (démarche appréciative) initiés à la fin des années 1980​, ce modèle de leadership invite à se concentrer sur ce qui fonctionne bien plutôt que sur ce qui ne va pas. Il s’appuie sur les forces, les réussites et le potentiel de chacun, dans une optique résolument constructive.

Dans leur ouvrage Appreciative Leadership (2010), Diana Whitney, Amanda Trosten-Bloom et Kae Rader formaliseront cinq « stratégies » - postures et pratiques - fondamentales pour incarner ce leadership positif.

Connues sous le nom des 5I (pour Inquiry, Inclusion, Illumination, Inspiration, Integrity en anglais), ces stratégies répondent chacune à un besoin humain essentiel au travail : se sentir écouté et valorisé, être impliqué et appartenir à un groupe, voir ses talents reconnus, donner du sens à l’action, et évoluer dans un climat de confiance​

Dans ce deuxième épisode, nous allons aborder :

  1. Les 4 principes fondamentaux du leadership appréciatif

  2. Les 5 “stratégies” du leadership appréciatif

  3. Des clefs d’actions pour l’incarner au quotidien

4 principes pour transformer la manière d’exercer le leadership

Diana Whitney, Amanda Trosten-Bloom et Kae Rader, dans leur ouvrage Appreciative Leadership (2010), identifient 4 principes fondamentaux à la base du leadership appréciatif.

Ces idées-forces, loin d’être théoriques, redonnent de l’épaisseur humaine au leadership, tout en le rendant plus pertinent dans un monde mouvant.

1. Un leadership relationnel

Le leadership appréciatif déplace le centre de gravité : il ne s’exerce pas à partir d’une position d’autorité hiérarchique mais dans la qualité des interactions. Il reconnaît que l’impact d’un leader repose sur sa capacité à faire vivre des relations de confiance, de reconnaissance et de collaboration.

Kenneth Gergen, dans son ouvrage Relational Being, exprime cette idée avec clarté : « Les qualités attribuées aux leaders n’existent pas en soi, elles émergent des relations. » Un leader charismatique ne l’est que parce qu’il est perçu ainsi. Retirez l’éclat dans les yeux de ses collaborateurs, et le charisme s’éteint.

Ce principe relationnel engage donc le leader à soigner en permanence la qualité du lien : écoute active, reconnaissance, attention aux signaux faibles, ouverture à la vulnérabilité. Il devient un tisseur de liens, un régulateur d’énergie collective.

2. Un leadership positif

Le deuxième principe postule que la vitalité d’une organisation se nourrit de la focalisation sur les ressources, les forces et les réussites. Il ne s’agit pas de nier les difficultés, mais de ne pas leur accorder tout le récit. Le leadership appréciatif s’appuie sur une lecture délibérément constructive du réel.

C’est un changement de posture qui affecte toute la chaîne du management : à la place de la détection de fautes, l’observation des forces ; à la place de l’analyse de déficits, la mise en lumière des compétences. Ce regard génère une énergie d’action plus mobilisatrice et préserve la dignité des personnes.

3. Un leadership activateur de potentiel

Identifier un talent est une chose. Créer les conditions de son activation en est une autre. Le leadership appréciatif invite le leader à transformer les ressources dormantes en dynamiques de réalisation.

Cela suppose de sortir d’une posture de contrôle, et de faire confiance à l’initiative. Le leader devient facilitateur : il repère les moments où chacun est au meilleur de lui-même, et s’attache à les multiplier. Il installe des conditions de réussite, distribue de la responsabilité, encourage l’expérimentation, donne des marges de manœuvre.

4. Un leadership à effet d’entraînement

Le leadership appréciatif ne s’arrête pas à la relation directe leader/collaborateur. Il a un effet de propagation : un climat de confiance local peut transformer en profondeur une culture d’entreprise. Ce principe est connu sous le nom de "rippling effect".

Par la qualité de ses interactions, un leader appréciatif modèle une manière d’être en lien qui inspire les autres. Les postures s’ajustent, les récits se transforment, de nouvelles pratiques émergent. Là où certains cherchent des "leviers d’engagement", il installe des dynamiques durables de responsabilisation et d’envie.

 

5 leviers pour incarner le leadership appréciatif au quotidien 

Si les 4 principes fondamentaux du leadership appréciatif posent un cadre éthique et relationnel renouvelé, les 5 leviers opérationnels – questionnement, inclusion, illumination, inspiration et intégrité – permettent de l’activer concrètement, au fil des interactions, des projets, des décisions.

Ces leviers ne sont pas des techniques à appliquer mécaniquement, mais des postures à habiter, des choix de présence qui, lorsqu’ils sont incarnés avec cohérence, changent profondément la manière d’exercer l’autorité, de réguler les tensions, de faire vivre la coopération.

1. Inquiry — Le pouvoir du questionnement

Dans un monde saturé de consignes, de reporting et de validations, poser une question sincère, ouverte et mobilisatrice peut faire l’effet d’un souffle. C’est souvent par une question que commence le changement appréciatif.

Un leader appréciatif ne cherche pas à "faire parler" pour cocher une case. Il pose des questions qui donnent envie de contribuer, qui reconnectent les personnes à leur expérience vécue, à leurs élans, à leurs ressources. Il sait que la qualité de ses questions détermine la qualité de l’intelligence collective qui en émerge.

Clé d’action : Remplacez les questions qui commencent par « Pourquoi ça ne marche pas ? » par « Qu’est-ce qui a déjà bien fonctionné, et comment pouvons-nous le faire grandir ? »

2. Inclusion — Créer un véritable sentiment d’appartenance

L’inclusion, dans le leadership appréciatif, va bien au-delà de la représentation formelle ou des démarches de concertation. Il s’agit de faire exister chacun comme acteur légitime du devenir collectif.

Inclure, c’est reconnaître que toute personne porte une part de la solution, même si elle n’a pas la légitimité hiérarchique ou l’expertise attendue. Cela suppose de créer des espaces de parole où chacun peut apporter son expérience, ses intuitions, ses idées. C’est dans cette diversité que naissent les innovations les plus robustes.

Clé d’action : Multipliez les cercles de dialogue où la parole est distribuée autrement. Favorisez les croisements entre métiers, âges, sensibilités.

3. Illumination — Mettre en lumière les forces

Dans un univers managérial souvent centré sur les indicateurs à atteindre, l’illumination consiste à faire le choix délibéré de rendre visibles les forces, les talents et les contributions de chacun.

Ce n’est pas de la flatterie. C’est un acte de reconnaissance ciblée, utile, mobilisatrice. En valorisant ce qui fonctionne bien, en donnant une portée collective aux réussites individuelles, le leader appréciatif nourrit la confiance et la motivation. Il permet aussi aux autres de s’approprier ces exemples pour les adapter ailleurs.

Clé d’action : Prenez l’habitude de repérer les gestes utiles, les comportements porteurs. Donnez-leur de la visibilité. Offrez des occasions de raconter les réussites, même petites.

4. Inspiration — Ouvrir des horizons désirables

Le leader appréciatif n’inspire pas parce qu’il a une vision brillante, mais parce qu’il sait faire résonner une vision partagée. Il donne du sens, relie les efforts présents à une finalité enthousiasmante. Il incarne une confiance dans le futur, sans occulter les obstacles, mais en les recontextualisant dans une dynamique d’élan collectif.

L’inspiration, ici, ne relève pas du discours corporate, mais d’un art du récit vrai : faire mémoire des réussites passées, capter les signaux faibles du désir d’avenir, relier les deux pour ouvrir un possible.

Clé d’action : Inspirez-vous du passé pour façonner l’avenir. Mettez en récit ce que vous souhaitez faire advenir. Et partagez-le avec sincérité.

 5. Integrity — Incarner ce que l’on attend des autres

Sans intégrité, les leviers précédents perdent leur impact. L’intégrité, dans le leadership appréciatif, ne se réduit pas à l’honnêteté individuelle : elle se manifeste par la cohérence entre les discours, les actes et les valeurs affichées.

Un leader appréciatif prend soin de la parole donnée. Il reconnaît ses erreurs. Il agit avec une forme d’humilité active qui donne envie aux autres de prendre aussi leurs responsabilités. C’est par sa propre cohérence qu’il crée un climat de sécurité psychologique.

Clé d’action : Prenez régulièrement le temps de vous demander : « Mes actes sont-ils alignés avec ce que je prône ? » Et ajustez, sans culpabilité, mais avec lucidité.

 

Conclusion – Un leadership qui ouvre, relie et transforme

Ce que le leadership appréciatif transforme en profondeur, ce ne sont pas uniquement les résultats, les indicateurs, ou les outils. Ce sont les interactions humaines, la manière dont les personnes se regardent, se parlent, se font confiance – et à partir de là, ce qu’elles osent ensemble.

Ce leadership ne s’improvise pas. Il demande un travail sur soi, un rapport au pouvoir plus mature, une vigilance constante à la qualité du lien. Mais il donne en retour ce que beaucoup de managers cherchent sans le dire : une forme de paix intérieure dans l’exercice de leur rôle, la joie de voir une équipe se mettre en mouvement, la fierté de contribuer à quelque chose de plus grand que soi.

Dans un monde du travail en quête de repères, il offre un cap : un leadership qui ne cherche pas à contrôler, mais à faire grandir. Un leadership qui fait autorité non par l’affirmation de soi, mais par la capacité à faire émerger les ressources des autres. Un leadership qui, au lieu de contenir, ouvre. Qui, au lieu de prescrire, suscite. Qui, au lieu de diriger seul, relie.

Prochainement dans "dialogues bymaïa" - accoucheurs de nouveaux possibles : faire vibrer les organisations par les dialogues - consacrée à la Démarche Appréciative, nous parlerons de démarche stratégique … sous un nouveau jour !

Nous vous donnons rendez-vous dès le mois de mai pour le troisième épisode de la série

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Episode #1 - Démarche Appréciative et Changement