Changeons d’ère !

Comment parler d’accompagnement des organisations aujourd’hui ? Comment œuvrer à un accompagnement juste et digne des personnes qui font les organisations humaines ? Comment faire avec un mouvement de redistribution et osons le dire, de ré-écriture collective des modèles de leadership dont certains sont à bout de souffle ?

Bien que la pratique de co-construction participe à redonner la parole aux parties prenantes et que l’intelligence collective s’impose de plus en plus comme une source intarissable de mobilisation, d’ouverture et de créativité, il reste que beaucoup de projets sont en définitive écrits par d’autres, pour d’autres.

En résumé, la question de l’accompagnement revient d’une manière ou d’une autre à la prescription d’une feuille de route. Car même si elle a été co-construite, la ligne d’arrivée est bien souvent définie à l’avance et le terrain de jeu limite paradoxalement l’espace à investiguer, dans lequel il serait possible d’imaginer d’autres réalités et de s’accomplir autrement à titre individuel et collectif.

Pourquoi faire alors toujours plus de la même chose ?

Il y a de “bonnes raisons” à cela : performance, sécurité, objectifs, réduction des coûts, rentabilité, etc. Autant de discours dominants qui circulent dans les organisations et pour lesquels nous acceptons une certaine “mise en conformité” car c’est la “réalité”. Cela est valable pour toutes les parties prenantes : direction générale, management, salariés, accompagnants. Chacun se (re)positionne sur un rôle dont on dit qu’il fait sens pour le collectif. Mais fait-il aussi sens pour moi ? Fait-il sens pour moi et pour ma relation aux autres dans mon travail, dans la portée de mon action quotidienne ? Nous permet-il de faire face à l’inattendu en imaginant ensemble ce qui pourrait être ?

65 % des initiatives de changement demandent une évolution de comportements mais seuls 34% des initiatives de changement atteignent leurs objectifs. Seuls 34% des projets réussissent et plus de 66 % des projets n’atteignent pas leurs objectifs. La similarité entre les deux statistiques relevées dans diverses études (Bain & Company et Standish Group) est frappante. La crise de l’autorité et la crise de sens sont les principales explications fournies pour expliquer le faible engagement des personnes, or c’est bien l’engagement des personnes dans les projets qui constitue le levier de réussite fondamental de chaque projet, la force d’appui et de mouvement qui permet l’évolution des organisations humaines.

Ce que l’on regarde peut-être un peu moins c’est si l’engagement des personnes est un choix librement consenti ou un choix sous contrainte ? Les organisations au sens large, et les entreprises en particulier, ont cette capacité de mettre les personnes sous contrainte tout en leur faisant croire à des discours d’adhésion ou d’engagement pré-établis, basés sur des “enjeux indiscutables”, des “modèles robustes” ou “ayant fait leur preuve”. Pour autant, nous racontons-nous la même histoire ?

Ouvrons une troisième voie

Et s’il nous prenait maintenant l’envie d’écrire pour nous même ? Ou plus exactement de nous penser en premier lieu comme auteur d’un projet avant même de nous projeter dans l’action comme nous y incite la norme en vigueur dans la plupart des organisations ? Se pose alors la question de comment faire pour accéder à cette position d’auteur avant de penser “mise en œuvre” ? Chaque personne qui prend la parole augmente la somme et la valeur des idées partagées.

Aborder un projet sous l’angle du dialogue contribue à la mise en place d’un processus durable et fécond.

Ainsi, il s’agit moins de prescrire et contrôler que de susciter et offrir des espaces où chaque personne ou groupe de personnes pourra redevenir « auteur de sa vie » au sens de « se sentir valorisé, augmenté par le projet d’avenir coécrit ensemble, autrement ».

Ces processus dialogiques et génératifs mettent les personnes en relation. Les conversations qui en découlent construisent et façonnent notre représentation du monde au fil des échanges.

« Il n’y a de vrai auteur que celui qui vous augmente ».

(Michel Serres lors du XVIe congrès de l’APEL à Montpellier - 2010)


En tant que dirigeant, si vous souhaitez mobiliser vos équipes, envisager cette nouvelle perspective de création d’un collectif auteurisé* c’est-à-dire qui s’augmente au même titre qu’il augmente chacune et chacun d’entre ses membres, cela passe par la valorisation de leur capacité à raconter ce qui est important pour elles, à se projeter dans des projets qui comptent, à mobiliser leurs compétences, à exprimer leurs talents, à se porter garant de ce qu’elles auront coécrits avec vous. 

En disant cela, nous augmentons les possibilités d’engagement d’une troisième voie :

. Observateur d’un projet qui se déroule devant moi auquel je ne prends pas part ou qui ne me touche absolument pas - suis-je en accord avec ça ?

. Acteur d’un projet écrit par d’autres avec le risque que ce scénario ne me convienne pas voire génère de la souffrance - suis-je en accord avec ça ?

. Auteur d’un projet qui fait sens pour moi, pour moi avec les autres, pour moi et toutes les parties prenantes et en relation avec le monde - suis-je en accord avec ça ?

bymaïa, auteur d’abord, acteur ensuite !


*faire de quelqu’un un auteur à part entière, le reconnaitre, c’est-à-dire établir un lien autre que patronymique (wiktionary.org). C’est dans le lien avec les autres que l’auteurisation d’un collectif se construit. Ce lien se joue dans les relations via le langage et le dialogue (K. Gergen)

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Les pratiques narratives sont-elles du storytelling ?